Quelqu’un n’a pas besoin d’une observation approfondie de la société haïtienne pour se rendre compte que le religieux joue un rôle important dans la vie des Haïtiens. Des tap tap aux entreprises en passant par les écoles et les universités, des noms comme Dieu vivant, Jésus vivant, y sont inscrits. Ce n’est pas seulement le Dieu des chrétiens qui est vénéré dans le pays, mais également, les dieux de l’Afrique, les forces célestes et Allah. Cet attachement au religieux remonte au delà des origines de la nation, beaucoup plus loin que Saint Domingue, puisque les noirs transportés d'Afrique n’ont pas uniquement traversé les mers en apportant le souvenir de leur terre natale, leur langue, leur chant, mais ils ont également gardé avec eux leurs dieux et leur attachement à ces derniers.
En débarquant à Hispaniola et Saint Domingue ils rencontrent des peuples eux aussi attachés à leur religion et qui exhibent des comportements similaires aux leurs en ce qui a trait à leur engagement ou même leur superstition. Pour la première fois la majorité ces noirs seront introduits au Christianisme, religion qui se veut libératrice en essence. Cette dernière sera adultérée dans l’unique but d’assujettir l’esclave jusqu'à être considéré comme « la chose du maître ». Les textes des Apôtres déclarant l’égalité entre tous les hommes sont mis de côté pour s’accrocher à de faux prétextes dans le but d'enchaîner la pensée des esclaves et les convaincre qu’ils accomplissaient ce à quoi ils étaient destinés : Servir comme bêtes de somme. Leur rencontre avec la religion n’a pas conduit à un changement spirituel, moral ou existentiel dans le sens positif. Bien au contraire, elle était un sujet de révolte et même un catalyseur pour s’ériger contre tout ce qui rappelle l’esclavage : 1804 est né.
A lire l’histoire d’Haïti, il est évident que notre attachement au religieux n’a pas su nous garder unis assez longtemps pour travailler à un environnement où tous les hommes peuvent vivre quelles que soient leurs origines ethniques, sociales ou religieuses. Jusqu'à aujourd’hui, l’harmonie, l’unité, l’amour, le pardon, l’équité, la justice sont absents dans notre quotidien. Quelques événements clefs en témoignent : Le massacre des Français, la corruption durant le gouvernement de Dessalines, l’assassinat de l’empereur, pour ne citer que ceux-là.
Certains seraient prêts à lapider une certaine forme de religion pour exalter les leurs, mais l’histoire pointe encore du doigt une certaine église qui n’a pas su engendrer un changement réel chez l'Haïtien.
Le Dr Jean Dorlus a effectué des recherches au cours desquelles il a analysé la nature du protestantisme haïtien. Les résultats ont prouvé que le protestantisme haïtien est d’origine piétiste. C'est- à-dire que la sainteté et une certaine forme de discipline y sont encouragées. Une autre caractéristique de l'église Protestante est son engagement dans le social. Il est difficile de visiter une église sans voir tout près une petite école. Un nombre incalculable de personnes ont reçu le pain de l'instruction sur les bancs des écoles protestantes. L'éducation n'est qu'un aspect de l'engagement social du protestantisme puisqu'elle investit dans la santé et dans l'agriculture à un certain niveau. Ce mouvement est également d'essence populaire, où les masses répondent au message qui est véhiculé. C’est un protestantisme peu actif politiquement. Car le protestant est souvent encouragé à s’éloigner de tout engagement politique. Il prône une théologie qui met l’accent sur la transformation spirituelle, ainsi que la nécessité de se séparer du monde et de la transformer par la prédication du message de l’évangile et un bon comportement au sein de la société. Le succès d’une telle théologie doit être mis en question. En effet, avec plus de 40% de la population haïtienne se réclamant de foi protestante, donc une force évidente qui devrait apporter un changement dans toutes les sphères de la société, cette frange de la population n’a pas apporté et n’apporte toujours pas ce souffle transformateur dans l’administration publique et privée. Elle n’est pas le modèle d’une intégration exemplaire de toutes les strates sociales. Son action sur l’environnement laisse à désirer.
La tragédie du 12 janvier 2010, montre clairement une certaine faiblesse du religieux. Je m’attendais à voir un élan de solidarité continue, une certaine humilité, un soupçon d’honnêteté dans notre société. Mais les circonstances ne changent pas nécessairement l’homme, c’est plutôt une rencontre réelle avec le Christ qui transforme de manière radicale. Nul ne peut nier que la théologie esclavagiste a été désastreuse. Mais ne faut-il pas admettre qu’une théologie spiritualiste pratiquée hypocritement est également inefficace.
L’église, qui a pour mission d’être le sel de la terre et la lumière du monde, doit admettre ses faiblesses. Cette église par laquelle Dieu veut faire connaître Sa sagesse infiniment variée ne devrait-elle pas se repentir de son silence face à l’injustice, de son indulgence au péché, de son refus à être une voix prophétique en faveur des pauvres, des marginalisés et contre la corruption généralisée dans notre société. Nous devons nous attendre à une épuration dans notre sein, car Dieu destine son église à une grande mission dans cette société.
L’échec d’une théologie non adaptée à la condition humaine et sociale d'Haïti est palpable, il faut la réviser. Il faut un nouveau regard sur les Saintes Ecritures. Tandis que tous parlent d’un renouveau pour Haïti le danger du statu quo est omniprésent. L’église doit être un agent actif dans ce changement après lequel nous soupirons tous. Un changement où « la droiture sera comme un courant d’eau et la justice comme un torrent qui ne tarit jamais ». Pour y arriver l’église devra risquer beaucoup : réputation, richesses, etc. Ce sera une manière de vivre dangereusement. Nous sommes tous appelés à vivre des vies risquées (Matthieu 5 :11). Vivre dangereusement pour Dieu et Sa cause voilà notre destinée.
Jean Valéry Vital-Herne
jeudi 1 juillet 2010
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